15/05/2016

Hommage à Aimé Guibert vigneron du Mas de Daumas Gassac

Aimé Guibert le propriétaire fondateur du Mas de Daumas Gassac et vigneron nous a quitté dans la nuit du 14 au 15 mai 2016 à l'âge de 91 ans. 

En guise d'hommage, nous voudrions lui dire merci et pas un merci tout simple, mais un GRAND MERCI pour l’immense œuvre qu'il a réalisé dans son terroir d'Aniane en Languedoc. Il aura marqué sa génération et le Languedoc viticole de manière très profonde. Les générations suivantes réalisent le chemin qu'il a ouvert pour les vignerons et les vins du sud de la France. 

Il convient de faire un petit retour historique sur le parcours exceptionnel d'Aimé Guibert. Pour ceux qui ont connu le Languedoc dans les années 1970 c'était la fin d'un cycle. Un changement des modes de vie avec la chute vertigineuse de la consommation quotidienne de vin, l'abandon de la culture extensive de la vigne, la crise de surproduction de vins et sur recommandation de l'Europe montante l'arrachage massif de milliers d'hectares de vignes à coup de primes publiques. A la même époque Aimé Guibert et sa femme Véronique reprennent un Mas dans la Vallée du Gassac près d'Aniane. Sur la recommandation d'un ami géologue le Professeur Henri Enjalbert, sur ce terroir, qu'il qualifie d'exceptionnel, il plante des vignes de cabernet-sauvignon sur les coteaux de cette vallée. 

Un vigneron visionnaire en Languedoc
Aimé Guibert, non issu du milieu viticole, est tout d'abord rejeté par les vignerons languedociens car il préconise des méthodes nouvelles et peu habituelles. En effet, planter des cépages bordelais dans les garrigues arides ou l'eau n'est pas présente paraît une idée saugrenue. A la fin du 19ème siècle le Languedoc avait abandonné les coteaux au profit des plaines irriguées pour augmenter le rendement et produire en masse. Aimé Guibert préconise la vendange manuelle et l'élevage en barrique quand tout le monde ne jure que mécanisation avec machine à vendanger et cuverie moderne. En 1978, l'œnologue des grands crus bordelais, Emile Peynaud accompagne la vinification des vins de Daumas Gassac qui donnera naissance à un grand cru du Languedoc.

J'ai eu la chance de visiter la propriété d'Aimé Guibert pour la première fois au début des années 1980, car un ami élève œnologue à Montpellier y faisait un stage de vinification à l'occasion des vendanges. Il m'invita à venir lui rendre visite en me vantant qu'à Daumas Gassac, ce vignoble dont j'ignorais même jusqu'à l'existence, il se passait quelque chose d'extraordinaire ! Je pensais qu'il se vantait et me rendais sur place un peu circonspect... Mais quelle ne fut pas ma stupéfaction de découvrir une plantation toute nouvelle, des vendangeurs jeunes et nombreux, des chais ultra modernes avec des cuves en inox et des barriques et à la tête de ce domaine un Aimé Guibert dynamique et plein de fougue qui était fier de dire à chacun qu'il contribuait à la renaissance des vins du Languedoc. J'en revins conquis me disant qu'il menait un combat très audacieux au moment où tout le monde disait que la vigne en Languedoc n'avait pas d'avenir !!!

Audace, courage et ténacité au service des grands vins
Dans les années 1980, alors que l'AOC Coteaux du Languedoc se constitue, Aimé Guibert fait un autre choix, du fait de l'utilisation de cépages non autochtones, il classe sa production en vin de table puis de pays. Cela ne l'a pas empêché de faire des grands vins du Languedoc et de les promouvoir dans le monde entier. Il ose même faire de cet handicap un slogan commercial un rien provocateur : "Daumas Gassac est le Vin de Pays le plus cher du monde" !!!
Je me souviens qu'au début des années 1990, quand j'arpentais les allées des salons de vins, rares étaient les domaines du Languedoc présents, mais Aimé Guibert avait déjà un très grand stand et arborait fièrement ses vins aux couleurs du Languedoc. Encore un grand merci à Aimé d'avoir initié ce grand courant de la qualité des vins en Languedoc-Roussillon et tiré avec lui l'ensemble des vignerons de cette grande région que nous aimons tant !
Il y a quelques années un responsable parisien de l'INAO me confia : "en Languedoc il y a des terroirs qu'il faudrait déclasser et d'autres qu'il faudrait classer en AOC" ! La curiosité me poussa à lui en faire dire plus et sous le sceau de la confidence il m'avoua que le terroir d'Aniane et notamment Daumas Gassac et son illustre voisin Grange des Pères devraient l'être, mais que c'était politiquement difficile !

La relève est assurée
Aimé est aussi avec sa femme un patriarche avec une grande et heureuse famille de dix enfants et de nombreux petits enfants. A l'heure de la retraite, signe de clairvoyance et d'intelligence de ce grand Monsieur, il a su lâcher les commandes de son domaine et transmettre sa passion à ses enfants qui depuis plusieurs années relèvent le défi du 21ème siècle en portant plus loin encore et plus haut toujours ces grands vins du Languedoc que sont les Daumas Gassac. 

Une cérémonie religieuse aura lieu mercredi 18 mai 2016 à 11h en la magnifique et mystique église abbatiale de Saint-Guilhem-le-Désert, toute proche du Domaine. Quel bel écrin pour la dernière messe d'Aimé Guibert, fondée au IXème siècle par le moine Saint Guilhem très proche de Saint-Benoit d'Aniane qui cultivait déjà la vigne ! C'est d'ailleurs l'IGP Saint-Guilhem-Le-Désert - Cité d'Aniane qui orne désormais les bouteilles de Daumas Gassac.

Nous adressons à Véronique sa femme et ses enfants Samuel, Gael, Amelien, Roman, Basile, Jean-Victor, Olivier+, Murielle, Vincent et Maguelone et tous leurs proches nos sincères et chaleureuses condoléances. Nous leur assurons que nous n'oublierons pas leur père et que nous continuerons encore longtemps à le porter avec cœur et passion dans nos pensées.