Une fois n'est pas coutume, nous osons sur notre blog un billet d'humeur qui va bien avec la saison hivernale.
On nous rebat les oreilles dans tous les journaux et médias avec la crise ! Pigeons par ci, bonnets rouges par là, hausse du chômage et des impôts, mécontentements et foules qui battent le pavé, baisse de la consommation et prudence excessive des banques, difficultés de paiement et faillites en cascade, mondialisation avec son lot de conflits de misères humaines et économiques. J'en passe et des meilleures... Voilà un résumé des réjouissances que nous proposent le journal de 20h et ses confrères de toutes les heures. Que de mauvaises nouvelles, mais n'en existe-t-il pas de bonnes !!! Allons messieurs les journalistes, faites donc un petit effort et ne nous dites pas que vos lecteurs et auditeurs sont demandeurs de ces sinistres nouvelles. Il suffit d'ouvrir ses yeux et ses oreilles et de regarder autour de soi pour trouver de joyeuses nouvelles.
Après les Trente Glorieuses et depuis la crise du pétrole de 1973, nous sommes en situation de crise permanente ou d'une succession de crises à répétition. Pour les nostalgiques, rappelons qu'autrefois, les crises étaient des guerres permanentes entre les différentes nations d'Europe, ainsi que les famines et épidémies avec ses millions de morts. N'oublions pas que nous connaissons la plus longue période de paix jamais vue depuis près de 70 ans et que notre espérance de vie ne s'est jamais autant allongée que depuis cinquante ans. Nos enfants ne connaitrons aucun ancien combattant. Remercions Jean Monnet, Robert Schumann et les pères fondateurs de la CEE. Heureux sommes-nous de vivre en Europe alors que d'aucuns la décrient ou voudraient l'abolir !
Finalement, la crise ne serait-elle pas la maladie psychologique des pays riches et de nos sociétés de consommation qui ont perdu le sens des vraies valeurs et ne se fondent plus que sur le matérialisme ?
Nous pourrions reprendre le Petit Prince de Saint-Exupéry : "On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux". Pour être plus optimiste, faisons un rêve pour que les hommes et femmes de bien agissent et soyons persuadés qu'ils sont déjà à l’œuvre dans notre pays contre vents et marées.
Pour revenir à ce qui nous préoccupe au quotidien et de manière plus concrète, en notre qualité de professionnels du vin, nous pourrions aussi être pessimistes et préoccupés par les malheurs de nos métiers. Tels que : baisse de la consommation quotidienne en France et en Europe, arrachage des vignes, hausse des charges sociales et des taxes, mévente, pression foncière dans les zones urbaines et touristiques qui ne favorise pas les jeunes agriculteurs, courant hygiéniste et sécuritaire qui engendre la répression de la consommation d'alcool au détriment de l'information et de la formation, mort du petit commerce au profit de la vente internet, menaces sur la communication sur le vin, concurrence étrangère sur nos marchés traditionnels... La liste n'est pas exhaustive !
Mais c'est comme voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Ces dix dernières années en Languedoc, il n'y a jamais eu autant de jeunes qui s'installent avec souvent une poignée d'hectares et qui parviennent à en vivre. Le prix public des vins chez les cavistes dépasse souvent 10 Euros, dans les grandes surfaces le prix moyen d'achat d'une bouteille de vin est à 3 Euros. Pour mémoire avec la conversion en Franc, cela fait respectivement 66 Francs et 20 Francs. Quelle somme pour 75 cl de vin !!! Qui aurait payé ce prix pour un vin courant dix ans plus tôt ? Et on ne parle pas des seconds crus de Bordeaux qui se vendent à minimum 50 Euros la bouteille en primeurs et qu'il faudra attendre trois ans avant de les recevoir et 6 à 10 ans avant de les consommer. La Champagne est aussi un magnifique exemple de réussite dans l'univers du luxe et de l'excellence. Tant d'emplois subsistent grâce à ces grands crus et permettent de préserver notre culture ancestrale viticole et notre patrimoine architectural.
Alors que le petit commerce se meurt au profit de réseaux de proximité des grands distributeurs, il n' y a jamais eu autant de créations de cavistes. Certains meurent vite par manque de stratégie et de saine gestion, mais de nombreux perdurent et les réseaux de franchise ne cessent de se développer. Il n'y a jamais eu autant d'amateurs du vin et d’œnophiles qui se rendent aux fêtes et manifestations autour du vin, l'oenotourisme attire de plus en plus de français et d'étrangers dans nos vignobles. On n'a jamais autant fait d'apéros avec du vin. Les bars à vins se développent et leur fréquentation est à la mode même chez les jeunes. Le phénomène est profond et culturel, comme une sorte de retour des citadins à leurs racines. Les médias et la toile pullulent de sites, blogs et articles en tous genres qui encensent les vins et leurs vignerons. La consommation mondiale augmente et même si la production de vins se développe dans de nombreux pays qui ne la pratiquaient pas, souvent grâce au transfert du savoir-faire des œnologues français, l'image de la gastronomie et des vins de France n'a jamais été si porteuse.
Les produits de luxe du vignoble français sont exportés dans le monde entier et contribuent de manière significative à la balance commerciale française. Même lorsqu'un grand château bourguignon ou bordelais est racheté par un chinois ou un russe, les emplois ne sont pas délocalisables. C'est la grande force de nos terroirs et de nos appellations qui fondent la qualité des vins de France et sont le fruit du long et patient travail de nos ancêtres. Merci à eux pour ce bel héritage qu'ils nous laissent et à ceux qui aujourd'hui le font fructifier.
N'oublions pas que malgré toutes les techniques modernes et de l’œnologie, le vin est le fruit de la vigne et du travail des hommes. Mais la nature reste seule maître après Dieu et cela rend humble le vigneron devant la vie et ses vicissitudes.
Alors en conclusion et sans langue de bois, osons porter haut et fort l'étendard de la vigne et du vin. Soyons confiants en l'avenir et fiers de notre culture bacchique. Encourageons la consommation du vin, ce qui favorisera la production et l'emploi et permettra la reprise économique. Sans compter et c'est le plus important, que le vin contribue à l'échange et à la convivialité entre les hommes et que contre la morosité c'est le meilleur remède. Il n'y a souvent qu'un pas à faire pour passer du rêve à la réalité. Bien évidemment, cela va sans dire, tout ceci doit se faire en bonne intelligence et avec sa meilleure amie modération...
In vino veritas.